La Côte d’Azur, lieu prisé et privilégié par excellence, est aussi le berceau de l’art  contemporain, de la photographie et plus en général des artistes du monde entier qui se rencontrent et s’expriment ici avec une extrême vivacité.
À Cannes tout ce frémissement artistique est bien présent grâce aussi au travail d’ Hanna Baudet, nouvelle directrice du PAMoCC – Pôle d’Art Moderne et Contemporain de Cannes – qui comprend La Malmaison, Le Suquet des Artistes, La Villa Domergue et le Musée du Masque de Fer et du Fort Royal sur l’île Sainte Marguerite.

Hanna, nous l’avons connue et appréciée depuis longtemps, en veste de commissaire d’expo de plusieurs expositions à succès comme: Alberto Magnelli, Max Ernst, Barthélémy Toguo, Niki de Saint-Phalle, Kehinde Wiley, Louise Cane, Olivier Massmonteil, Olivia Paroldi, Grégory Forstner etc.
Nous avons dû attendre quelques temps pour fêter son nouveau rôle, parce que le Maire de Cannes –  David Lisnard – malgré un agenda très chargé, a voulu en personne, dans son bureau, lui communiquer la bonne nouvelle, ce qui a donné à ce geste beaucoup de signification et d’émotion.

Hanna a bien mérité ce rôle ayant toutes les qualités humaines et compétences nécessaires et, en tant que femme, ça nous donne un orgueil tout particulier, vu qu’elle a beaucoup travaillé, toujours gardant  humilité et bienveillance.
Il y a quelques temps, elle nous avait promis une interview lorsque elle serait devenue directrice, nous avons attendu et, bien sûr, la promesse a été tenue. Nous en profitons donc pour recueillir ses propos et découvrir, en avant-première, les prochaines expo et activités culturelles sur Cannes et sur les îles de Lérins.


Pourquoi avez-vous choisi Fiona Rae comme première expo, qui d’ailleurs vous voit avec le double rôle de directrice et commissaire de l’exposition.
À travers cette exposition, programmée par la Mairie de Cannes, j’ai souhaité montrer les œuvres de Fiona Rae, peintre très connue en Angleterre mais moins en France. Son travail s’inscrit parfaitement dans l’exploration de la peinture contemporaine entamée à la Malmaison dès 2018 par le Pôle Art Moderne et Contemporain de Cannes.
En concertation avec l’artiste, nous avons décidé de montrer ses dernières œuvres, de 2014 à 2021, dans une scénographie qui permet de voir les évolutions de sa peinture. Nous avons réfléchi aux couleurs des murs pour mettre en valeur le plus possible les toiles et accompagner le visiteur dans son parcours.

Quels sont les traits distinctifs de l’œuvre de Fiona Rae et quel est le tableau que vous préférez.
Fiona Rae a une oeuvre essentiellement abstraite mais elle joue avec les frontières entre figuration et abstraction. Elle questionne toujours sa pratique. Dans cette exposition, nous avons choisi de présenter une série par salle, cela permet de comprendre les évolutions de sa peinture et les questionnements qui les accompagnent.

J’aime beaucoup également son mélange d’influences entre culture certifiée et influences contemporaines qui relèvent plus de la culture populaire, cela donne une multiple profondeur à ses toiles. Ainsi la série des pastels part de citations de Shakespeare mais elle s’est inspirée de Candy Crush pour les couleurs qu’elle introduit dans la série des Greyscale
.
C’est d’ailleurs une incroyable coloriste. Je pense que si je devais choisir un tableau (et c’est très compliqué car beaucoup de ses toiles me parlent), ce serait Figure 2d, j’aime beaucoup ce fond gris, très orageux et la confrontation que les touches de couleurs éclatantes viennent créer.

On ressent que ce choix d’artiste – Fiona Rae- est particulièrement en harmonie avec la ville de Cannes et avec les visiteurs de l’expo. Est-ce une histoire de couleurs ? de formes? …
Les deux je pense, car elles sont très liées chez Fiona Rae.
Il y a une impression de légèreté dans ces toiles, qui je pense correspond à quelque chose que le public souhaite voir à l’heure actuelle. Même si cela n’est qu’une impression, car Fiona Rae est une artiste extrêmement minutieuse et ses gestes sont murement réfléchis. C’est cette maitrise des gestes qui fait un aspect magique de facilité comme une danseuse étoile qui, par son aisance, témoigne d’une virtuosité technique.
Par ailleurs, cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu d’exposition d’art abstrait à la Malmaison et, si cela peut surprendre un peu, les visiteurs sont curieux d’entrer dans cet univers.

Plus en général, quelle est votre vision et interprétation de l’art contemporain.
Je pense que l’art doit être intimement lié à l’émotion. Une œuvre qui provoque une émotion chez le visiteur, qu’elle soit positive ou négative d’ailleurs, le marquera profondément. C’est pour cela que je pense que l’art contemporain est un art de sensations. Il nous fait réagir en premier lieu.
L’œuvre de Barthélémy Toguo en est l’exemple parfait, elle est poétique et dégage quelque chose de très fort. Dès le premier regard nous ressentons quelque chose, et cela n’empéche pas un discours ou un engagement, certaines des œuvres présentées dans son exposition de 2021 à Cannes portaient sur des sujets très importants (l’eau, les conflits, etc.), seulement ce discours ne prend pas le pas sur la forme.

Avez-vous déjà envisagé les parcours que la Malmaison va suivre dans les prochaines années, en terme d’artistes et d’activités culturelles.
Le Maire de Cannes a initié un important projet de restructuration de la Malmaison qui, rénovée, aura une surface d’exposition multipliée par trois. Cela permettra de proposer des expositions plus importantes qu’à l’heure actuelle.
Dans ce nouvel espace, l’idée est d’avoir un rythme ternaire d’expositions : une exposition d’art contemporain français, une exposition d’art contemporain d’un artiste international et une exposition d’art moderne lié à l’histoire de la Côte d’Azur. Ce lieu d’exposition aura également une cafétéria, une librairie et un espace multimodal qui permettra d’accueillir des ateliers, des conférences ou encore des projections autour des expositions.
Avant de fermer pour travaux la Mairie de Cannes présente, cet été, une exposition consacrée à Agnès Varda. Cannes a plusieurs fois accueilli Agnès Varda cinéaste, nous présentons cette fois-ci son travail de plasticienne. L’exposition aura deux chapitre un à la Malmaison qui présentera des œuvres autour du thème de la mer et un autre à la Villa Domergue autour des cabanes qu’elle a réalisées en réutilisant des pellicules de ses films.

Et enfin, quelle sera le développement du Suquet des Artistes, pouvez-vous nous révéler les artistes qu’on y trouvera pendant l’été 2022.

Jusqu’au 29 mai nous y présentons Bilal Hamdad un jeune artiste qui a été diplômé des Beaux-arts de Paris en 2018. C’est un peintre qui a une œuvre mélancolique qui me touche profondément. Il peint la société contemporaine, on reconnait les espaces des rues parisiennes ou encore des couloirs de métro, et son atmosphère. Mais surtout il témoigne de la solitude contemporaine. En regardant ses toiles on peut penser à Hopper ou Hammershoi mais Bilal Hamdad sort de l’intimité intérieure et représente la solitude dans l’espace public, dans des lieux que nous savons remplis de monde. Il fixe sur ses toiles des moments quotidiens qui nous sont familiers.

Cet été nous présentons l’oeuvre d’Orsten Groom, un peintre qui a une histoire particulière. Une partie des œuvres qui y seront présentées auront été réalisées pour l’occasion. C’est une oeuvre décalée et un peu folle mais qu’il faut absolument découvrir en vrai pour percevoir les multiples jeux de profondeur et la matérialité de la peinture. L’exposition s’intitule Fatrasie, c’est un genre poétique du Moyen Âge constitué de jeux de langages incohérents. Ce titre correspond parfaitement à la peinture d’Orsten Groom.

Fiona Rae - Jusqu’au 23 avril 2022 à La  Malmaison de Cannes
Fiona Rae – jusqu’au 24 avril 2022 à La Malmaison à Cannes