Quatrième long métrage, sorti en 2023, de Kim Chapiron – co-écrit avec Ladj Ly « le Jeune Imam » parle d’un drame inspiré de faits réels. Ali est un adolescent à la dérive et sa mère ne trouve pas d’autres solutions que de l’envoyer au village au Mali pour finir son éducation. Dix ans plus tard, Ali revient et il devient l’Imam de la cité, il se sent assez sûr de lui, tout en montrant son côté naïf. Ses discours ouverts et tolérants plaisent à beaucoup et il essaye de libérer les musulmans des carcans idéologiques. Il décide ainsi d’aider les fidèles à réaliser le rêve et le devoir de tout musulman : le pèlerinage à la Mecque.
Explique Kim Chapiron: « J’ai toujours vécu avec des gens de différentes confessions, dont des musulmans. Il y avait une grande tendresse entre nous tous. Le jeune Imam est né pour évoquer cela. Je souhaitais entre autres, filmer la religion musulmane, pratiquée par une immense majorité silencieuse. »

Le rôle principal dans se film moderne et courageux est joué par Abdulah Sissoko dans sa première apparition sur le grand écran. Abdulah, dans le rôle d’Ali, mène une interprétation magistrale ou il joue, révèle et incarne son personnage tout en même temps. Nous avons vu le film pendant la semaine du Festival du Film Français de France Odéon à Florence et nous avons eu la chance de parler avec ce jeune talent qui brille déjà comme une vraie étoile.

Voilà les quelques questions que nous lui avons posées.

1.Un rôle difficile et une interprétation d’autant. Qu’avez-vous pensé quand vous avez lu le scénario pour la première fois ?

1.La première fois que j’ai lu le scénario, je me suis dit que c’était un rôle pour moi, et que je ne pouvais pas le laisser passer, c’était un personnage avec lequel j’avais beaucoup de points en commun, l’histoire d’ Ali je l’ai un peu vécu dans le sens que mes parents m’ont envoyé aussi dans une école coranique au Mali, un peu moins longtemps, mais j’ai vécu ça, en plus je sais lire l’arabe, réciter le Coran et oui c’était un rôle difficile et compliqué certes et même si j’ai eu ces similitudes avec le personnage, Je le voulais tellement ce rôle que j’ai beaucoup travaillé et j’ai tout donné.

2. Comment avez-vous préparé votre rôle et quelles étaient vos motivations pour réussir.

2. J’ai fréquenté Le Cours Simon – École d’Art Dramatique – dans le onzième à Paris. Quand j’ai passé le casting on m’a tout de suite dit que j’en faisais trop, je parlais trop, je faisais tout en grand, d’une façon trop théâtrale. C’est ainsi que Kim m’a fait travailler avec un coach qui s’appelle Sébastien Davis, qui est professeur d’acting à l’école Kourtrajmé. J’ai beaucoup travaillé avec lui sur la lecture du scénario et j’ai appris qu’il faut savoir lire le scénario et même le lire trente fois, pour bien saisir chaque mot, chaque mot est là pour quelque chose. J’ai travaillé avec un ami Imam qui s’appelle Djimé Touré à qui j’ai demandé conseil et il m’a beaucoup aidé et je lui en suis très reconnaissant.

3. Quelle/s était la scène plus difficile pour vous et pourquoi. En revanche, dites-nous laquelle vous avez préférée jouer.

3.La scène la plus difficile que je n’ai pas réussi, je n’en parlerai pas. Je pense que j’aurais pu faire beaucoup mieux mais tout le monde me dit que c’est génial. Je vais laisser les gens apprécier cette scène.

En ce qui concerne ma/mes scènes préférées, franchement c’est dur de choisir, toutes les scènes étaient plaisantes à jouer, on a eu une équipe tellement familiale, on rigolait tellement, tout le tournage était magique.
S’il y a une scène que je dois choisir c’est celle où Je suis à la mosquée et on me demande de taguer tel imam et je commence à prendre la grosse tête un peu et je dis: « …non je ne veux pas le taguer il n’a que 200 followers » c’est une scène que j’ai adoré jouer, en faite je suis rentré dans le personnage et peut-être que moi même j’ai eu la grosse tête à un moment, c’est ça qui est magique dans le cinéma, tu rentres dans la peau du personnage et il faut savoir s’en détacher.
Maintenant c’est bon je suis totalement détaché de ce rôle, même si je pense que tous les rôles qu’on joue ça nous suit, ça reste en nous.

4. En ce qui concerne la complexité des sentiments entre une mère et son fils, qu’est-ce que vous en pensez par rapport au film et dans votre vie personnelle.

4. Par rapport au film, je pense qu’Ali a une relation tendue, compliquée et complexe avec sa mère ou il n’y a pas de dialogue, il y a plein de non dit, plein de choses  à se faire pardonner d’un côté comme de l’autre.
Chez nous au Mali, par exemple, on ne dit pas «  je t’aime » à nos parents, l’amour est là mais il est très pudique.
Pourtant je suis sur que j’aime ma mère et mon père aussi. Peut-être il y a un lien entre Ali et moi dans cet amour très pudique, et ma relation avec ma mère est très belle.

5. La vision de l’islam en France, qui vient d’être représenté dans le film, montre une normalisation de la pratique de l’islam, qui ne touche pas le fondamentalisme. Chapiron parle: « d’une religion musulmane, pratiquée par une immense majorité silencieuse. »Racontez-nous votre expérience/vision personnelle sur ce sujet.

5. Je suis d’accord avec Kim Chapiron, Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui pratiquent la religion et on n’entend pas parler d’eux, on entend parler des personnes qui utilisent mal la religion. Je suis musulman et ma religion est entre mon Seigneur et moi, chacun vit sa religion comme il veut, tout en respectant tout le monde.

Pour conclure, nous de Fragolosablog avons beaucoup aimé ce film qui porte en lui un monde de nuances, il lance un message d’amour et nous force à nous interroger sur ces situations limites quand on voudrait faire le bien mais ça tourne mal, parce qu’on s’aperçoit qu’on ne peut pas tout contrôler. Nous avons aussi apprécié la façon dont on approche le sujet des femmes musulmanes au travail. C’est ainsi du thème d’avoir une seconde chance, après un échec et apprécier la valeur du pardon, qui reste universelle, pour ceux qui savent s’écouter.

En nous quittant  Abdulah ajoute: 
« C’est une immense émotion pour moi, c’est mon premier film, c’est magique, c’est un sujet très intéressant, ça parle de tellement de choses, ça parle des arnaques au pèlerinage à la Mecque, ça parle des Imams 2.0, des enfants qu’on envoie au pays pour étudier, des sujets compliqués que Kim a su traiter très bien, grâce aussi à des acteurs et actrices incroyables. Une équipe excellente – une équipe de choc tous: à la technique, au costume, au maquillage, chef opérateur etc – et un film mémorable pour moi. 
»

Kim Chapiron avec Abdulah Sissoko pendant le tournage